25 Avr Orientation scolaire et classements : soyez prudents !
Orientation scolaire et classements. En cette période de choix d’orientation, nombre d’étudiants sont tentés de se référer, pour décider de leurs futurs parcours, aux classements que publie la presse française ou anglo-saxonne. Ils sont aujourd’hui omniprésents. Il en existe pour les écoles, pour les universités, pour les programmes… Au point qu’ils disposent d’un pouvoir impressionnant : celui de décider de l’avenir de nombreux jeunes, et parfois du devenir de certaines institutions.
Les palmarès, classements ou rankings se distinguent les uns des autres par leur finalité, leur méthodologie et leur cible. Ils donnent une tendance, ni plus ni moins. Ces palmarès publiés dans la presse suscitent l’envie, la fierté ou provoquent un tollé dans la communauté universitaire, même si toutefois les établissements, y trouvent un vecteur de communication important pour tenter de se positionner dans une hiérarchie non officielle.
C’est pourquoi il nous paraît utile de rappeler les limites de ces classements, et les réserves que l’on peut formuler à leur égard.
1. La logique même du classement n’est pas adaptée au système de l’enseignement supérieur.
Ce que recherchent les candidats et les familles, c’est un outil qui donne une vision, une appréciation globale de l’activité d’une école ou d’une université ou d’un programme. Ils cherchent à s’aider pour faire des choix d’orientation scolaire avec des classements. Parce que chaque institution est différente des autres, a ses points et ses faiblesses, sa façon d’enseigner. Parce que la qualité de la formation est chose trop subtile pour être mesurée uniquement par des chiffres (nombre de profs, salaire à la sortie, nombre de publications…). Orientation scolaire et classements est une approche simpliste.
Les recruteurs, tout comme les candidats et leurs parents, ont en effet une fâcheuse tendance à ne se satisfaire que de la lecture du classement général. Peu, en revanche, vont analyser scrupuleusement la progression d’une école ou tenter de comprendre les variations inéluctables. Car c’est un fait : aucun classement publié par un même média n’est identique d’une année à l’autre. Les volontaires remaniements méthodologiques intégrant de nouveaux critères et en supprimant d’autres, les pondérations et les calculs, les coefficients surévalués puis dévalués, les « aménagement négociés » font inévitablement varier les rangs des écoles.
2. Un classement est chose extrêmement complexe à réaliser.
D’abord parce qu’il faut manier des dizaines, des centaines, des milliers de chiffres, souvent très discutables : comment, par exemple, comptabiliser les profs quand ceux-ci n’ont pas tous le même « statut » ni la même réputation, et qu’en outre certains enseignent dans plusieurs institutions – ou se consacrent avant tout à la recherche ?
Ce n’est pas tout : pour évaluer la qualité d’une institution, il faut bien, très bien la connaître. Un audit Equis, par exemple, prend une semaine à une équipe de professeurs expérimentés – sans compter le travail préparatoire. Aucun journal n’a les moyens de faire le dixième de ce travail. Comment procèdent alors ceux qui publient des classements ? Ils collectent des montagnes de chiffres, sans vraie possibilité de vérifier (même s’ils s’en défendent). Ajoutons que, bien souvent, ils confient le travail à un stagiaire ou à un ou deux journalistes novices, qui se retrouvent assommés par la masse des informations à traiter.
Dans ce jeu des chaises musicales, ce n’est pas parce qu’une école perd des places qu’elle montre des signes de faiblesse. Chaque année, de nouvelles écoles entrant dans le classement du Financial Times (80 écoles en 2015 contre 70 en 2014), certaines écoles françaises peuvent perdre mathématiquement quelques places. Alors orientation scolaire et classements : réfléchissez à deux fois.
3. Orientation scolaire et classements : quelle valeur accorder à des critères réducteurs ?
Par nature, les palmarès utilisent des critères réducteurs. Ainsi, pour noter la catégorie « pédagogie/recherche » de son classement 2015 des écoles de commerce, Le Figaro cumule les scores de quelques items : « le nombre de professeurs permanents par élève, le pourcentage de professeurs diplômés d’une école labélisée par les accréditations internationales ou figurant dans le classement de Shanghai, le nombre d’inscrits aux MOOCS mis en ligne par l’école, la « recherche ».
Peut-on décemment réduire la politique internationale des écoles à quelques données chiffrées que sont « la part d’élèves de l’école ayant passé plus d’un an à l’étranger ; le nombre d’universités partenaires ramené au nombre d’élèves ; la part d’élèves ayant un double diplôme avec un établissement étranger ; et la proportion d’étudiants suivant un cursus en anglais » (Le Figaro 2015) ? A l’évidence, non. Peut-on démontrer la « puissance » d’une école, comme ambitionne de le faire le palmarès 2016 des écoles de commerce de Challenge, autour de quelques critères : « sélectivité, proportion de prépas en première année, budget groupe, étudiants par professeur de gestion, salaire annuel brut moyen des débutants, score accréditations internationales, anciens élèves dans le Who’s Who édition 2014 » ? Non plus.
4. Il y a classement et classement
Cependant, si l’on regarde les palmarès en prétendant « ne pas y attacher trop d’importance », le fait est qu’ils existent et que leur publication reste une opération lucrative pour les supports concernés. Prenez avec la plus grande prudence, voire méfiance, des classements réalisés par des instituts de sondages ou des cabinets d’orientation. Par ailleurs, sachez que certains classements ne relèvent pas de la compétence des équipes éditoriales mais sont réalisés par des officines extérieures. Quitte à consulter les classements, favorisez les grands médias. En revanche, peu ont les ressources suffisantes pour déployer des moyens d’envergure, pour brasser, traiter mais surtout vérifier et valider les données déclaratives fournies par les écoles.
De préférence, on utilisera les classements dont la réputation est bien établie, et en particulier ceux que publient des journaux anglo-saxons comme le « Financial Times » ou « Times Higher Education ». Même s’ils ne sont pas exempts de tout reproche, loin de là. On évitera ainsi la vision « franco-française » sur l’enseignement supérieur et avoir une approche d’orientation scolaire et classements trop étriquée.
Mais surtout, orientation scolaire et classements ne doit en aucun cas être le seul critère du choix d’une école, d’une université ou d’un programme. Il faut absolument faire intervenir d’autres éléments d’information : les accréditations, la consultation des sites web, le contact, si possible, avec des étudiants, des anciens et/ou des enseignants, et même, mais oui, la lecture de la presse. Bref, il s’agit de se comporter en étudiant averti, et non en « suiveur » ballotté au gré des classements. Il faut s’in-for-mer.
Si vous souhaitez lire des articles sur ce sujet : pour un article de FocusRH et un autre du Monde Campus.