Choisir son orientation : étudier ce que vous aimez !

choisir son orientation étudier ce que vous aimez

Choisir son orientation : étudier ce que vous aimez !

Choisir son orientation : étudier ce que vous aimez, tel est le conseil de Pascal Picq.
« Mon conseil aux jeunes est simple : plus aucun parcours n’est sûr à 100 %, donc autant s’amuser et choisir d’étudier ce qu’on aime. »

Membre de l’Observatoire de l’ubérisation de la société et de l’Institut de souveraineté numérique, le ­paléo-anthropologue Pascal Picq, professeur au Collège de France, fait partie des 35 personnalités auxquelles Le Monde a demandé de partager leur vision du futur pour aider les jeunes à trouver leur voie dans un monde en pleine mutation. Il croise ici son parcours personnel d’enfant de milieu modeste ayant brisé son plafond de verre et de spécialiste de l’évolution humaine passionné par la mutation numérique.

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L’exemple des grands singes, que vous étudiez, peut-il aider les jeunes à faire les bons choix d’orientation ?

Je vais vous répondre en évoquant un livre que les jeunes doivent absolument lire : La Planète des singes, de Pierre Boulle. ­
Comment les grands singes prennent-ils le pouvoir sur les hommes sur la planète Soror ? Ils ­attrapent une femme qui normalement ne parle pas et ils sont ­capables ­d’accéder à sa mémoire profonde par une espèce d’hypnose. Et là elle parle de manière inconsciente et dit en substance : « Tout allait pour le mieux sur la planète ­Soror. Nous avions des machines qui produisaient les biens dont nous avions besoin.
Et nous avions domestiqué les grands singes pour faire les ­choses les plus complexes autour de nous et nous aider.
Mais au fil du temps, nous avons cessé d’être actifs physiquement et de nous intéresser aux matières intellectuelles. Même les ­livres enfantins ne nous intéressaient plus. Et pendant ce temps, ils nous observaient. »

C’est le syndrome de la planète des singes : si nous nous abandonnons à la facilité, si nous cessons de marcher, si nous cessons d’aimer, si nous cessons de lire, de créer et d’inventer, alors oui les robots, comme les grands singes dans le livre, prendront le pouvoir. Ce qui fait de nous des humains, c’est justement garder la maîtrise de la créativité.

La parade que vous proposez face à la robotisation ­annoncée de nombreux ­métiers est donc la créativité ?

La grande question qu’on lit à la « une » des journaux est : « Les robots vont-ils prendre nos emplois ? » La réponse ne fait aucun doute : oui. En tout cas ceux qui recouvrent les métiers qui ont permis la fulgurante évolution de nos sociétés à partir des années 1950 et qui étaient basés sur les propriétés cognitives du cerveau gauche, le cerveau analytique, rationnel, calculateur.

Face aux robots, cette compétition est perdue d’avance : les ­algorithmes seront toujours plus puissants pour aller chercher des données, les comparer, les organiser, les restituer.
Il nous reste néanmoins deux atouts majeurs. Le premier est notre cerveau droit, celui de la créativité, de l’émotion.
Là, nous avons l’avantage. Le second est que nous marchons. Les robots pour l’instant ne sont pas près de battre mon petit-fils au foot. Donc utilisons nos pieds et utilisons notre cerveau droit !

Tous les métiers qui comportent des tâches automatisables sont-ils menacés ?

Ce qui est menacé, c’est la part de ces métiers qui relève de l’automatisme. Mais est-ce que les robots vont tuer les architectes et les comptables ? Non ! Mais l’expert-comptable ne sera plus celui qui calcule, il sera celui qui donne des avis, conseille des stratégies. Nous devrons être capables de faire des robots nos alliés. Ils ne sont un danger que si nous n’allons pas vers plus de créativité.

L’école prépare-t-elle suffisamment à ces mutations ?

Nous sommes le seul système complètement stupide dans ­lequel on dit à des jeunes à 10 ans : « Tu seras littéraire ou scientifique. » En outre, tout notre système éducatif est basé sur le développement des capacités du cerveau gauche – analyse, rationalité, algorithme, etc. Or la créativité, c’est plus le cerveau droit.

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Alors que 65 % des métiers de demain n’existent pas encore, selon le World Economic ­Forum, que conseillez-vous à la jeune génération ?

Mon conseil aux jeunes est simple : plus aucun parcours n’est sûr à 100 %, donc autant s’amuser et choisir d’étudier ce qu’on aime. D’autant qu’ils auront de toute façon à travailler pour réussir, même dans les nouveaux métiers qui peuvent sembler« fun ».

Demandez aux jeunes créatifs qui travaillent dans les jeux ­vidéo ou dans la e-publicité… C’est énormément de travail. Donc autant se faire un petit peu plaisir. Mon autre conseil serait de se doter d’un socle très solide dans une discipline – pour moi, ce fut la physique. C’est ce qui permet de toucher beaucoup de sujets par la suite.

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Comment restez-vous ­connecté face à cette accélération du monde ? Qu’est-ce que cela dit de la façon dont on se formera le mieux demain ?

Le modèle classique des aînés sachant qui enseignent à des jeunes ignorants est complètement obsolète. Les jeunes, d’ailleurs, ne s’y trompent pas. Quand je suis avec des jeunes start-upeurs ou des « digital natives », ils savent très bien que j’ai des savoirs qu’ils n’ont pas. Sans parler de respect, ils savent que je peux apporter des choses. Mais moi je sais aussi qu’ils peuvent m’apporter des choses et des savoir-faire que je ne maîtrise pas et que j’utilise de plus en plus.

Le modèle pyramidal, structuré, hiérarchique n’a plus de raison d’être aujourd’hui puisque effectivement les connaissances sont partout accessibles. En revanche, les aînés auront un rôle toujours fondamental dans la structuration d’un savoir. C’est un nouveau monde qui arrive et je trouve cela absolument passionnant.

Cet article a été repris dans le monde Campus du 9 février 2017-
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