19 Août Jeunes et entrepreneuriat
Les jeunes veulent entreprendre pour ne plus subir le travail. Un constat sur les jeunes et entrepreneuriat.
Denis Pennel est directeur général de la confédération mondiale des services privés pour l’emploi.
Dans « Travailler pour soi : quel avenir pour le travail à l’heure de la révolution individualiste ? » (Seuil, coll. H. C. essais, 2013), il explique que l’aspiration des jeunes à créer leur entreprise ou leur activité est à mettre en rapport avec la perte du contrat de confiance entre salariés et entreprises.
Les jeunes aspirent-ils vraiment à l’entrepreneuriat ?
Cinquante pour cent des jeunes Français de 18 ans à 24 ans déclarent avoir envie de créer leur entreprise s’ils en avaient la possibilité [baromètre Viavoice, avril 2015]. Même si cette aspiration à l’entrepreneuriat peut être une fuite dans certains cas, je pense qu’il existe une réelle volonté de leur part.
Cette forte proportion indique aussi que l’entreprise telle qu’elle est ne répond plus à leurs attentes, professionnelles et personnelles. Les jeunes générations ne se retrouvent plus dans le management tel qu’il est pratiqué actuellement. Jeunes et entrepreneuriat, une vraie question d’actualités.
De quand dateriez-vous cette nouvelle tendance ?
Un grand changement s’est opéré depuis la fin des années 1990, avec la multiplication des CDD, de l’intérim et des contrats courts. Dorénavant, un jeune doit attendre en moyenne trois ans pour obtenir un CDI, alors que leurs aînés le décrochaient tout de suite. Cela change forcément la perception du monde du travail.
Par ailleurs, ces jeunes ont vu leurs parents se faire licencier à 50 ans. Ils sont davantage dans une relation de défiance vis-à-vis de l’entreprise que de confiance. Cette désaffection est particulièrement constatée envers les grandes entreprises.
Comment cela s’est-il traduit dans leur rapport au travail ?
De plus en plus de jeunes préfèrent démissionner, renoncer au confort d’un CDI et d’une rémunération stable car ils ne se sentent pas bien dans l’entreprise, et ce, sans forcément avoir d’autres opportunités. Ce que l’on appelle le phénomène « jobbing out ». C’est une génération qui a moins peur du vide que de l’immobilité.
Ils ne veulent plus subir le travail et sont prêts à vivre avec moins ou à retourner chez leurs parents pour vivre en accord avec eux-mêmes. Ils se tournent vers l’humanitaire, vers la création d’entreprise, l’économie sociale et solidaire. Etre entrepreneur, ce n’est pas seulement créer sa start-up dans les nouvelles technologies.
On assiste à une multiplication des façons de travailler en dehors du salariat. Il suffit de voir le succès des plates-formes de missions. La multi-activité, qui concerne déjà 3,3 millions de personnes, va se développer. Le statut d’autoentrepreneur a été une révolution en France et a rencontré un vrai succès : un million d’autoentrepreneurs. Trente pour cent d’entre eux en tirent un complément de salaire. Les jeunes générations cumulent plusieurs sources de revenus en même temps.
Que doivent faire les entreprises pour répondre à ces nouveaux comportements ?
Il est temps de redéfinir le contrat de confiance entre le salarié et l’entreprise. Les entreprises ont du mal à gérer cette génération « zapping », qui est dans l’immédiateté. Il leur faut être davantage dans le donnant-donnant, dans la négociation à court et moyen terme. Tous les six mois, refaire un point sur leurs motivations. Jeunes et entrepreneuriat, une vraie question d’actualité.
L’autre challenge consiste à répondre à l’individualisation de la relation de travail. Un vrai défi pour les RH, qui doivent être capables de proposer des « menus » à la carte pour fidéliser les jeunes.
Ces propos ont été recueillis par Gaëlle Picut du Monde Education et cet article est paru le 18 Aout 2016.