19 Juil Orientation post-bac en Europe : un taux de réussite deux fois supérieur à celui de la France
L’orientation post-bac en Europe se fait par la sélection et cela fonctionne puisque 75 à 80% des étudiants valident leur cursus alors que seulement 40% des français y arrivent.
En France, le baccalauréat est le premier diplôme de l’enseignement supérieur.
En 2017, 641 700 nouveaux bacheliers ont obtenu ce précieux viatique.
Dans le système actuel, tout bachelier, quel que soit son bac et sa série (général, technologique, professionnel, scientifique, économique, littéraire…), peut en principe demander à accéder de droit à n’importe quelle licence ou aux études de santé à l’Université publique.
L’accès à l’université est devenu problématique
L’accès à l’université devient problématique avec des filières très demandées qui débordent. Le logiciel APB, est saturé et une sélection de fait s’effectue par tirage au sort pour une partie des affectations.
Ceci suscite la frustration et l’incompréhension d’une partie des étudiants qui n’obtiennent pas le choix correspondant à leur projet professionnel, parfois malgré un excellent dossier scolaire. C’est une des conséquences de l’augmentation du nombre de bacheliers, mais aussi d’une absence de régulation qui fait que la demande des étudiants ne correspond pas à l’offre des universités et aux débouchés professionnels ouverts à la sortie. Tout le monde s’accorde ainsi à dire que le tirage au sort n’est pas la solution.
Mais quelle est la solution ?
- Est-ce l’ouverture de places supplémentaires dans les filières très demandées, afin de s’adapter aux vœux des bacheliers ?
Est-ce la mise en place de critères d’accès spécifiques pour garantir que les bacheliers s’engagent dans des voies adaptées à leur cursus effectué au lycée ?
- Est-ce la sélection par le mérite, comme elle se pratique dans nos grandes écoles ?
L’objectif de cet article est de regarder comment font nos voisins européens.
L’examen terminal du secondaire
L’examen terminal du secondaire, homologue de notre baccalauréat, existe chez la plupart de nos voisins européens. Il prend toutefois des formes assez différentes suivant les pays (son contenu disciplinaire, son organisation, son caractère obligatoire ou facultatif varie d’un pays à l’autre). C’est toujours un élément clé du processus d’entrée à l’université. La nature et les modalités de cet examen terminal sont en effet très normatives, parce que ses notes, matières et moyennes sont souvent des critères utilisés par la suite.
On trouve trois grandes catégories de certification des études secondaires chez nos voisins européens :
Certains pays ont un examen multidisciplinaire, analogue à notre baccalauréat. L’élève doit valider un ensemble de disciplines et obtenir une note moyenne globale minimum pour obtenir la certification. Ces examens valident donc une performance d’ensemble de l’élève, avec possibilité de compensation de certaines matières par d’autres. C’est le cas de l’Abitür en Allemagne, du Certificat d’enseignement secondaire supérieur (CESS) en Belgique, de la Maturità italienne ou de la Maturité gymnasiale en Suisse.
Dans certains cas (Abitür, Maturità), la note finale à l’examen peut contenir une part de notes obtenues en contrôle continu au cours des dernières années de secondaire.
D’autres pays ont un système d’examens par matières individuelles, sans note moyenne et sans compensation entre les disciplines. Ces examens ont pour objectif de certifier que l’élève a atteint un niveau donné dans ces disciplines. C’est le cas des A-levels britanniques et du Leaving certificate irlandais.
Les élèves peuvent valider certaines matières et échouer à d’autres. Pour chacune d’elles, ils peuvent tenter plusieurs niveaux de difficulté : foundation, ordinary ou higher. Ces niveaux de certification sont l’un des critères utilisés pour l’entrée à l’Université.
La Matura autrichienne est une combinaison des deux précédents systèmes, avec simultanément des validations par matière (l’allemand, les mathématiques et une langue étrangère sont obligatoires) et une note moyenne globale.
La Suède a supprimé l’examen terminal du secondaire, le Studentexamen, en 1968. Pour la validation du cycle secondaire, elle s’appuie désormais sur un système de contrôle continu et d’accumulation de crédits, avec des validations imposées dans un certain nombre de disciplines de base (suédois, mathématiques, etc.).
Dans certains pays, l’examen terminal est facultatif et n’est passé que par les élèves désirant candidater à l’Université, c’est par exemple le cas de la Selectividad en Espagne.
Modalités et critères d’accès à l’Université
L’analyse des modes de fonctionnement chez nos plus proches voisins montre une diversité de pratiques, avec des systèmes très ouverts comme le nôtre, en Belgique ou en Italie. À l’inverse, il existe des systèmes avec une sélection assumée et institutionnalisée, comme en république d’Irlande, au Royaume-Uni, au Danemark, en Espagne ou au Portugal. Quelques pays pratiquent enfin des méthodes intermédiaires, partiellement sélectives, ou avec des approches innovantes, comme l’Allemagne, la Suède ou les Pays-Bas.
Dans les systèmes « ouverts », l’examen terminal ouvre en principe directement l’accès à l’université, comme notre baccalauréat. Il existe pourtant presque systématiquement des critères d’admission. En Belgique, par exemple, le CESS professionnel (équivalent de notre bac technologique/professionnel) ne donne accès qu’aux formations supérieures courtes et pas aux licences générales.
Plusieurs pays pratiquent une sélection basée sur les résultats à l’examen terminal. En Irlande, un portail national, le Central Application Office centralise les vœux des candidats à l’Université et effectue ensuite un classement des étudiants dans chaque filière, sur la base d’un système de points attribués à partir des notes obtenues au Leaving Certificate. C’est un système de sélection au mérite, avec des critères adaptés à chaque filière de chaque université.
En Espagne, la Selectividad est dans la pratique un concours d’accès à l’enseignement supérieur, organisé dans les universités publiques de chaque Communauté autonome. La Selectividad a une partie commune (épreuve d’espagnol, d’histoire, d’une Langue étrangère et d’une spécialité) et deux à quatre matières optionnelles. Les universités peuvent définir une pondération de ces différentes notes, adaptées aux différentes filières qu’elles offrent en premier cycle. Les étudiants sont admis par ordre de mérite en fonction de leur score dans la filière demandée. Le système portugais est très similaire, avec un examen-concours d’entrée appelé Exames Nacionais do Ensino Secundário.
Le Danemark, le Royaume-Uni et la Suède pratiquent aussi un système de sélection. Chaque université fixe des critères d’admission spécifiques, basés sur les résultats des élèves dans le secondaire et parfois sur des entretiens ou des épreuves complémentaires.
C’est aussi parfois un mélange de prérequis et de sélection. Par exemple, pour entrer en licence de biologie à l’Université d’Umeå en Suède, il faut avoir validé dans le secondaire les matières « biologie », « physique » et « chimie » à un niveau avancé et les mathématiques à un niveau de base. Si le nombre de candidatures dépasse la capacité d’accueil, l’université sélectionne alors ses étudiants sur la base de critères de mérite (notes obtenues).
La Norvège, a mis en place un dispositif national centralisé de candidatures, le NUCAS qui ressemble beaucoup à notre APB et au système irlandais évoqué plus haut. Chaque candidat y formule une dizaine de vœux pour toutes les licences du pays, classés par ordre de préférence, et le système répartit ensuite les étudiants globalement. Ce système reste différent de notre APB, car il n’existe pas de tirage au sort, mais un système de points attribués aux étudiants. Ces points sont basés sur leurs résultats dans le secondaire ainsi que sur d’autres critères (adéquation du parcours antérieur, âge, service militaire, etc.).
Ailleurs qu’en France, le système est, comme chez nous, en discussion et en évolution.
L’Autriche a abandonné son système complètement ouvert pour introduire un système de plus en plus contingenté dans un certain nombre de filières. Depuis 2005, les universités autrichiennes peuvent fixer leurs critères d’admission dans un certain nombre de filières.
Les Pays-Bas introduisent la sélection cette année, après avoir pratiqué un système appelé matching (appariement). Les candidats à une filière devaient remplir un questionnaire de motivation, y effectuer un stage d’immersion d’une journée et participer à un entretien avec les responsables de la filière dans laquelle ils candidataient. Ce dispositif était obligatoire mais n’était pas coercitif. L’objectif était de mieux informer et de dissuader certains étudiants de s’engager dans des filières ne leur convenant pas.
Enfin, en Italie, après avoir eu un système totalement ouvert, le pays expérimente un processus d’orientation semi-prescriptif. Les candidats sont évalués par chaque université sur leur maîtrise de prérequis minimum pour la filière demandée. Les tests ne sont pas éliminatoires, mais les étudiants qui persistent à vouloir s’inscrire malgré un avis défavorable de l’université doivent valider un enseignement de remise à niveau.
L’ensemble de ce panorama, en y ajoutant le système allemand décrit ci-dessous, montre que nos principaux voisins européens pratiquent quasiment tous des formes d’orientation prescriptive ou de sélection. Ceci comprend à la fois des pays à tradition plutôt libérale comme le Royaume-Uni, comme des pays à tradition très sociale comme l’ensemble des pays scandinaves.
Le système allemand, un mélange de pratiques différenciées
En Allemagne, l’équivalent du baccalauréat est l’Abitür. Le système secondaire allemand est toutefois assez différent du nôtre, puisqu’une fraction importante des élèves empruntent des voies très professionnalisantes, souvent en apprentissage. A peine la moitié des jeunes allemands passe cet examen terminal.
Certaines filières sont contingentées avec un numerus clausus national à l’entrée : c’est le cas des filières santé et vétérinaires. D’autres sont contingentées au niveau local, avec des capacités d’accueil limitées, c’est fréquemment le cas en psychologie, en droit, en économie, en biologie ou en informatique. Certaines universités très prestigieuses et attractives, comme la Freie Universität de Berlin ont contingenté presque toutes leurs formations de premier cycle.
Il existe un système qui permet aux étudiants de candidater à un grand nombre de ces formations contingentées. Ce sont les universités qui font le choix d’adhérer à ce programme. Elles fixent alors le nombre de places disponibles et les critères d’admission pour chaque filière.
Le système d’accès dans ces formations à numerus clausus suit un système de répartition des places par segment. Trois segments sont définis, avec des proportions et règles qui varient légèrement d’une université à l’autre et en fonction de règles définies par chaque Land allemand :
Affectation des places à l’entrée des universités allemandes. 20 % sont attribuées au mérite. 60 % sur la base de prérequis spécifiques de la filière et de l’université choisie. Les 20 % restants sont ouverts à tous et attribués sur la base d’une file d’attente qui peut atteindre plusieurs semestres.
20 % des places environ sont attribuées au mérite aux étudiants ayant eu les meilleures notes à l’examen national de fin du second cycle (Abitür).
20 % des places sont attribuées par un système de liste d’attente, mais sans critères de mérite ou de prérequis. Dans certaines filières/universités très demandées, la durée d’attente peut atteindre 10 à 15 semestres.
60 % des places sont attribuées sur une combinaison de critères de mérite et de prérequis, définis par l’université pour chaque parcours. C’est une sélection basée sur un score qui combine la moyenne à l’Abitür, les notes dans certaines matières spécifiques obtenues dans les dernières années du secondaire et la validation d’expériences professionnelles ou de stages en lien avec la formation demandée.
Enfin, il existe des systèmes de priorité ou de quota pour certains publics particuliers (chargés de famille, volontaires du service militaire ou civil, reprises d’étude, handicapés, etc.).
L’efficacité du système
La mesure de l’efficacité du système est une question intrinsèquement complexe, parce qu’elle dépend de paramètres multiples.
Parmi ceux-ci, le recrutement initial des étudiants est un paramètre majeur, selon une étude européenne sur la question de la réussite en premier cycle.
L’analyse comparative des performances de la France avec ses voisins immédiats pour lesquels des données comparables sont disponibles est édifiante. Là où nous peinons à atteindre les 40 % d’étudiants entrés dans le système et validant leur licence au bout de quatre ans, nos voisins affichent entre 70 % et 85 % de taux de réussite.
Taux de diplomation en licence des étudiants admis en premier cycle dans différents pays. La France figure parmi les derniers pays européens en terme de réussite en licence, d’après une étude de l’Union européenne de 2015 sur l’ensemble des pays disposant d’études sur la question.
L’une des différences communes essentielles entre eux et nous est précisément les conditions d’accès à l’Université. En effet, tous ces pays pratiquent une forme de sélection ou de prérequis à l’entrée.
On ne peut donc s’empêcher de penser que le recrutement de nos étudiants doit avoir un impact important dans la très faible performance de notre premier cycle d’enseignement supérieur.
Si notre système ne sélectionne pas à l’entrée, il sélectionne donc ensuite par l’échec, avec un coût humain très lourd.
Propos tirés d’un article écrit par Frédéric Dardel, Président de l’Université Paris Descartes et paru sur le site « The Conversation »