13 Oct La personnalité , un élément important dans votre parcours d’orientation
Créatif, innovant, optimiste : les entreprises n’ont plus que ces adjectifs à la bouche.
Personnalité et parcours d’orientation, un lien de plus en plus important que les recruteurs aiment mettre en avant.
Récemment, un célèbre cabinet d’audit américain a annoncé son intention de recruter quatre profils types.
Pour les définir, l’entreprise a utilisé quatre néologismes : « outoftheboxeur, synergisant, révolueur, éconoclaste ».
Du marketing qui frôle la caricature, mais qui conforte l’importance qu’ont prises dans le monde du travail soft skills,ces qualités humaines ou compétences émotionnelles.
La différence entre deux candidatures à priori équivalentes se fait désormais sur le « savoir-être ». Plus le candidat est « adaptable », « optimiste », « créatif » ou « doté d’un esprit d’équipe », plus il séduira le recruteur.
ATELIER CONSCIENCE DE SOI
Grandes écoles et universités ont dû s’adapter à cette évolution et veiller à ce que leurs étudiants arrivent outillés sur le marché de l’emploi.
Mais peut-on enseigner les soft skills, parmi lesquelles figurent l’empathie, l’enthousiasme, la bienveillance, comme on enseigne la biologie, la littérature ou la finance ?
Dominique Steiler, enseignant-chercheur en management à GEM (Grenoble Ecole de Management) et titulaire de la chaire « Mindfulness, bien-être au travail et paix économique », a créé des ateliers de pleine conscience dans son établissement.
Les formats pédagogiques classiques – salle de classe, cours théorique, ton magistral – sont délaissés au profit d’un travail collaboratif, de projets ou d’ateliers en petits groupes.
« Il faut que les étudiants apprennent à apprendre.
Les compétences changent rapidement, il y a des métiers qui existeront dans dix ans et qu’on ne connaît pas encore. Nos étudiants doivent pouvoir travailler dans l’incertitude, la complexité et l’innovation. Pour cela, ils doivent se connaître eux-mêmes », explique Laure Bertrand, directrice du département « Soft skills et transversalité » du pôle universitaire Léonard-de-Vinci, à la Défense (Hauts-de-Seine).
Dans les écoles d’ingénieurs, traditionnellement vouées à enseigner des compétences techniques, la révolution soft skills a déjà eu lieu. « L’ingénieur n’est plus seulement le gestionnaire de la technique, car celle-ci s’est automatisée et numérisée. Il est devenu une interface entre la technique et les fournisseurs, entre les clients et son entreprise », analyse Denis Lemaître, le directeur de la formation de l’Ecole nationale supérieure des techniques avancées (Ensta) Bretagne. Comme le manageur, l’ingénieur doit posséder des compétences en communication.
D’autant que la CTI (commission des titres d’ingénieurs) impose désormais un volet « humain » dans son référentiel de compétences. « Nous essayons de ne pas déconnecter ces compétences d’avec les valeurs de notre école – éthique et réflexivité –, qui a été fondée par le philosophe Gaston Berger.
Il ne faut pas confondre soft skills et recettes de cuisine », nuance Christophe Odet, directeur adjoint de l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Lyon.
SOFT SKILLS et SINGULARITE
A l’université, les soft skills sont encore largement absentes des cursus, en dehors des filières de gestion, de management et de ressources humaines. Cette année, les universités de Paris-Dauphine et d’Avignon ont, elles, mis en place des « enseignements d’ouverture ». A Dauphine, la participation des étudiants de premier cycle y est obligatoire, mais elle n’est pas notée.
Les “soft skills” que nous essayons de transmettre ne doivent pas être le reflet d’une société savante, mais au centre d’une aventure humaine »
Catherine Chouard, ancienne directrice des ressources humaines, a animé le premier module de soft skills dans un amphithéâtre de 800 places, avec des étudiants de première année de licence équipés d’un boîtier digital. Moyenne d’âge : 17,5 ans. «
L’idée est de faire émerger des êtres singuliers, pas des super-QI sur pattes, précise-t-elle. Les soft skills que nous essayons de transmettre ne doivent pas être le reflet d’une société savante, mais au centre d’une aventure humaine. »
Dominique Steiler, attire l’attention sur une potentielle dérive utilitariste de ces « compétences comportementales » : « Si l’on pense au retour sur investissement de la bienveillance, est-ce encore de la bienveillance ?
La gratitude ne doit pas être au service du profit et de l’hyperperformance de l’entreprise. On ne peut pas la quantifier, encore moins avec une barre de niveau sur un CV, ça n’a pas de sens ! »
A Grenoble Ecole de Management, les étudiants qui ont pu suivre les ateliers de pleine conscience lancés en 2016 se sont montrés intéressés et… déconcertés. Mélanie Foucher, 21 ans, étudiante de deuxième année, a suivi ces séances : « Les premiers ateliers sont déroutants. On nous demande de nous allonger par terre ou d’apprendre à respirer. Mais le fait de mettre des mots sur ces sensations permet d’être à l’écoute de nous-mêmes et de gérer notre stress. »
Pleine conscience, interactivité, projets pluridisciplinaires… Nul doute que la transmission des soft skills n’en est qu’à ses débuts à l’université et dans les grandes écoles.